J'ai vécu une vie extra-ordinaire dont une partie particulièrement hard sur laquelle je ne m'étalerai pas. Quoiqu'il en soit c'est cette partie là qui a provoqué mon départ pour une autre vie.
Nous étions au pied du volcan sur la terrasse de la petite cabane. Il faisait nuit, il était assis à coté de moi. Il portait un sarong et d'immenses cheveux noirs. Cet homme fascinant, au pied du volcan me dit; "we are powerfull".
Et nous le sommes en effet. Quelques jours plus tard je me retrouvais nue sur la terrasse de ma cabane en bois, les pieds ancrés au sol et les mains levées vers le ciel. La mer était face à moi, 200 mètres en contrebas. J'étais ensorcelée peut être. Ce qui est sûr c'est que je n'étais pas dans mon état normal. Je venais de vivre une véritable régression passant par l'enfance jusqu'à me sentir nourrisson et vouloir boire le lait maternel. Quand je retournais à ma cabane j'étais totalement perdue mais il y avait ce coq noir. Baba l'avait fourré dans ma cabane le jour de mon arrivée et depuis il ne me lâchait plus. Un véritable harcèlement dont je soupçonnais baba d'être à l'origine. Ce jour là le coq non je n'en voulais pas, ça suffit. Je lui ai tout simplement tordu le cou déversant toute la fureur que je pouvais y mettre. Ce faisant je me suis surtout profondément choquée, j'avais pété un câble j'avais désormais peur de moi même. J'avais perdu tous mes repères.
Baba entre, juste à temps pour pour que la vie du coq soit épargnée. Je portais mon sarong noué autour de moi et alors que le coq sortait de la cabane pour ne jamais revenir, nous allons sur la terrasse. J'avais peur. Peur de moi! Je venais de comprendre que je ne savais plus qui j'étais mais surtout que j'étais capable du pire. J'étais debout face à la mer. En contrebas, un mètre sous mes pieds, la colline rocailleuse s'étendait jusqu’a l'eau. Baba est assis sur la banquette derrière moi, je ne le vois pas. Il me demande, "de quoi as tu peur mushi." Je fixais l'horizon. Je me retourne et je le vois, calmement il avait ôté sa bague, il tenait un briquet, il brulait l'imposante pierre qui ornait la bague. A ce moment là j'ai détourné mon regard de ce que je ne voulais pas voir, ce feu. Ma gorge était serrée je ne pouvais plus parler j'étais étranglée par la peur de ce feu. Ce n'était pas une simple flamme, c'était le Feu dont j'avais peur. Je détourne ma tête pour fixer de nouveau la mer, la ligne d'horizon et je ne réponds pas. Baba me demande "who do you love Mushi."
Il portait un tatoo sur son bras, ou bien était-ce sur sa poitrine, une femme qui s'enlaçait. Elle devait donc s'aimer. C'était simple je n'avais qu'à suivre ce que j'avais devant les yeux. Je croise donc mes bras autour mes épaules. Je ressentais une chaleur m'envahir, je ressentais l'amour de moi-même. J'avais l'impression de partir je ne sais où, de toute façon j'étais en plein délire. La voix de baba se fit entendre: "you go too far mushi". A ce moment là je redescends en effet, baba me guidait bien. Les minutes passaient. Quelques palmiers se dressaient entre la mer et moi, le ciel était clair. Baba me repose la question: de quoi as tu peur mushi? Je me retourne et je le vois qui brulait toujours sa bague. Le feu. De nouveau il m'effrayait car ce n'était pas une simple flamme pour moi, c'était un feu grandissant, c'était LE FEU. Il pouvait me consumer. Je ne voulais pas répondre j'avais trop peur. Une seule chose m'importait désormais, éteindre ce feu. Il me fallait de l'eau. De nouveau je fixe l'horizon, la mer. Il me fallait de l'eau. Baba qui ne voulait cesser de bruler la pierre de sa bague fit de nouveau entendre sa voix : "Who do you trust mushi". J'étais dans un état second je n'avais plus aucun repère je ne savais plus qui j'étais. Je réponds silencieusement "i trust you".
J'avais un grand besoin de stabilité de réconfort, j'avais besoin de réponses qui sonnent vrai au plus profond de moi-même mais cette réponse là ne me semblait pas fiable, pas stable. Faire une totale confiance en quelqu'un c'était faire dépendre ma confiance et donc ma stabilité de quelqu’un d'autre. Je ne me sentait pas stable avec ça. "Who do you trust mushi". Apres tout je pourrais faire confiance à dieu, après tout je n'en savais rien. Oui cela m'a réconforté un instant pour finalement donner le même résultat que précédemment. La confiance partait hors de moi et donc je ne me sentais pas stable. Aucune de mes réponses silencieuses ne m'apportait la stabilité, aucune ne me rassurait. Une réponse s'est présentée; " i trust me, i trust myself". Ca y est je me sentais stable. Rassurée. J'avais trouvé la réponse. Je la répétais comme un mantras les mots tournoyaient les uns à la suite des autres... I trust me, i trust myself. Je me sentais grandir, je me sentais pleine d'une force, la totale confiance en moi. Baba pourtant brulait toujours sa bague. Il ne lâchait pas l'affaire, il me repose la question: "de quoi as tu peur mushi". Je ne voulais pas me retourner, je ne voulais pas le regarder je savais que là, il y avait ce feu, un feu qui dévore. Il me fallait de l'eau. J'approche du bord de la terrasse je m'apprête à franchir le petit mètre de dénivelé qui me séparait de la terre et des rochers, je pourrais ainsi aller à la mer. J'avais besoin d'eau, de beaucoup d'eau. La mer, elle, pourrait éteindre ce feu. Baba intervient: «où vas tu mushi".
-Je vais me baigner j'ai besoin d'eau.
-Tu ne peux pas aller à la mer mushi. Tu dois rester là.
A ce moment je me suis sentie pétrifiée. Je ne pouvais donc pas aller vers l'eau. Ma peur grandissait ma panique aussi. Je restais plantée là debout face à la mer mais elle était trop loin, il me fallait de l'eau, c'était devenu une obsession. Pendant que le mantras courrait toujours dans ma tête, "i trust men i trust myself", baba me pose son ultime question: "Who are you mushi". Ma panique grandissait je partais en vrille total je ne savais plus qui j'étais ni ce que je faisais. Je me raccrochais aux quelques mots qui me restaient, ceux qui courraient déjà dans ma tête et les nouveaux venus;" I'm Mushi!" Ouf! Je me le répétais sans cesse, désespérément, "i'm mushi, i trust myself. " La ronde des mots tournoyait et l'erreur s'est produite. Mushi, là où j'étais c'etait le nom d'un fleuve. L'erreur s'est glissée dans mon cerveau, je répétais interminablement "i'm mushi i'm water". Cette phrase s'est ancrée en moi pour ne plus me lâcher. Je ne me retournais plus vers baba et son feu, j'avais vraisemblablement quitté ce monde là. Au bout de quelques minutes, je ne sais pas combien le temps n'avait plus cours, je n'était plus que cette seule pensée: i'm mushi i'm water. Je me suis retrouvée nue, mon sarong avait glissé à mes pieds, les pieds ancrées dans le sol et les mains levées au ciel je répétais "i'm mushi i'm water". La vrille était totale! J'étais anéantie et j'ai senti une larme se former au coin de mon œil. Alors qu'elle commence à s'écouler je réalise que cette larme c'est moi, que je suis cette larme. Que je suis effectivement de l'eau. Dans cet instant seulement j'ai cru sincèrement et véritablement que j'étais de l'eau. A cet instant j'ai ouvert les yeux, il pleuvait sur moi. Il a plu quelques instants, la pluie s'est arrêtée.
REALISER quelque chose, le faire passer de la pensée à la réalité. C'est ainsi que se produisent les miracles.
Nous pourrions dire aussi que c'était une drôle de coïncidence. Alors oui c'en est une belle. Peut être aussi mon cerveau m'a t'il joué des tours. Peut-être. Ou bien peut être est-ce ce que l’on appelle le pouvoir de la pensée, peut être ai-je exploré une zone qui m'était encore inconnue. Oui, peut-être.